L’année 2021 a été marqué par des phases de confinement avec des fermetures des bars, restaurants, écoles, collèges et lycées…
Si ces contraintes ont eu un impact évident sur l’activité économique, les sociétés pétrolières n’en ont pas souffert puisqu’en 2021 le cumul de leur bénéfice – 9.67 millions d’euros- atteint son plus fort niveau sur la période 2014-2021.
Le stockage
Les dépôts pétroliers de la Corse (DPLC) appartiennent à Rubis terminal – filiale du groupe Rubis- dont 45% ont été cédés, en 2020, au fond américain, I Squared Capital.
Le chiffre d’affaires (CA) 2021 d’un montant de 10,415 millions d’euros est revenu à peu de chose près à son niveau de 2019 (10,745 millions).
Si jusqu’en 2019, DPLC indiquait dans ses comptes annuels l’évolution des volumes, depuis 2020 cette information a été supprimée.
En revanche, on peut tout de même supposer que les confinements de l’année 2021 ont pesé sur la consommation de carburants.
Ainsi malgré une consommation significativement plus faible qu’en 2019, DPLC a réalisé un CA presque identique à l’année 2019.
Cela impliquerait une augmentation du prix du stockage. Une augmentation bien entendu répercutée sur le client final c’est-à-dire l’usager insulaire.
Avec un bénéfice de 3,405 millions d’euros, DPLC réalise son année record depuis 2009. + 7922% par rapport à 2020 et + 30,15% par rapport à 2019.
Cet écart avec 2019 s’explique majoritairement sur 3 postes :
- « Impôts taxes et versement assimilé » qui baisse de 834 356 €
- « Dotation aux amortissements » qui diminue de 286 384 €
- « Autres achats et charges externes » qui recule de 244 617 €
Les dividendes versés aux actionnaires s’élèvent à 2,9 millions d’euros. + 52,7€ par rapport à 2020 et +43,9% par rapport à 2019.
Il faut remonter à 2017 pour voir des dividendes plus élevés.
Depuis la prise de contrôle du groupe Rubis (2010), DPLC aura généré 31 346 456 € de bénéfices et versé 25 362 420 € de dividendes soit 80,1% des bénéfices.
Des dividendes reversés à des actionnaires qui ne sont pas en Corse.
Le return on assets (ROA) de l’entreprise qui renseigne sur le taux de rendement de l’actif investi est de 26,17%. Ce qui est excellent.
Rubis tire donc le maximum d’un outil dont le ratio de vétusté se dégrade année après année.
Il était en 2021 de 26,43%, en 2020 de 27,9% et en 2019 de 28,6%. (Plus on est proche de 100% plus l’outil est neuf).
Notons que DPLC est un site industriel présentant des risques d’accidents majeurs, appelés « sites Seveso». Or, sa vétusté se dégrade de plus en plus ce qui ne manque pas d’inquiéter.
La distribution
Nous nous intéressons ici à l’activité de grossiste c’est-à-dire Vito Corse et Total Corse. Ces deux entreprises achètent leurs carburants à leur société mère Rubis et Total Energie pour les revendre à leur réseau respectif.
Chiffres d’affaires 2021
Malgré une année marquée par des confinements et donc une activité économique plus faibles, les chiffres d’affaires des deux entreprises augmentent fortement :
- Total Corse : avec 172,24 millions d’euros en 2021, l’entreprise réalise le plus fort CA sur la période 2014-2021. Il augmente de 34% par rapport à 2020 et de 5,32% par rapport à 2019.
- Vito Corse : le CA 2021 de 172.91 millions d’euros est presque identique à celui de Total Corse. Il augmente de 33,6% par rapport à 2020 mais baisse de 4,06% par rapport à 2019.
Si les deux enseignes connaissent la même progression par rapport à 2020, le décalage par rapport à 2019 peut s’expliquer par le fait que Total Corse a récupéré l’une des plus importantes stations de l’ile – la station Ceccaldi à Ajaccio- qui appartenait au réseau ESSO/Ferrandi
Le résultat 2021
- Total Corse réalise avec 3,35 millions d’euros son meilleur résultat de la période 2014-2021. Il augmente de 57% par rapport à 2020 et de 28,7% par rapport à 2019.
Cette augmentation par rapport à 2019 vient du fait que la « vente de marchandises » augmente plus que les « achat de marchandises », 5.33% contre 5.19%. En d’autres termes, ce qui est acheté moins cher est revendu plus cher.
- Vito Corse réalise également avec 2,96 millions d’euros le meilleur résultat de la période 2014-2021. Il augmente de 51,18% par rapport à 2020 et de 61,2% par rapport à 2019.
Le constat est le même que pour Total Corse, si le résultat augmente par rapport à 2019 c’est que le poste « achat de marchandises » a baissé plus fortement que le CA.
Là encore, Vito a revendu plus cher ce qu’il a acquis moins cher.
Les dividendes 2021
- Total Corse comme à son habitude a converti 100% de son résultat en dividendes qui ont été versé à son seul actionnaire Total énergie France. Ainsi, en 2021, les dividendes 2021 se sont élevés à 3,35 millions d’euros.
- Vito Corse a converti 52% de son résultat en dividendes reversé à son actionnaire unique le Groupe Rubis. Les dividendes se sont élevés à 1,52 millions d’euros.
Conclusion
Sur la période 2014-2021, DPLC, Vito Corse et Total Corse ont réalisé des bénéfices cumulés qui s’élèvent à 58,9 millions d’euros dont 100,1% ont été convertis en dividendes (Total Corse ayant versé des dividendes exceptionnels à Total France).
Ces dividendes son retirés à la sphère économique insulaire au bénéfice de sociétés actionnaires qui sont enregistrées en région parisienne.
Le marché de niche, que constitue la Corse, permet aux sociétés pétrolières d’avoir traversé tranquillement la crise sanitaire et d’en être sorties dès 2021.
D’ailleurs Rubis l’écrit noir sur blanc dans son rapport d’activité 2021 : « D’une façon générale, Rubis est positionné sur des marchés qui lui permettent de transférer au client final la volatilité des prix (système de prix libres ou sous formule) et ainsi de constater sur une longue période une stabilité de ses marges.»
Il sera intéressant d’étudier comment les remises de l’Etat auront impacté les comptes de ces sociétés en 2022.
Car nous l’avons évoqué, on ne retrouve pas l’intégralité de la remise à la pompe ! https://a4c.home.blog/2022/05/16/a-qui-beneficient-reellement-les-remises/
Alors que la Corse s’enfonce dans une crise sociale sans précédent à l’orée d’une crise énergétique majeure, les sociétés pétrolières profitent d’une situation de monopole verrouillée par le groupe Rubis.
Dans l’intérêt supérieur des Corses, nous demandons pour la nième fois au Président du conseil exécutif de Corse de réclamer sans délai la mise en œuvre l’article L410-2 du code du commerce qui permet à l’Etat, dans une situation de monopole, de réguler les prix en encadrant les marges.