Alors que nous sommes en pleine campagne des législatives et que chaque candidat promet monts et merveilles pour notre pouvoir d’achat, intéressons nous, de manière pragmatique, aux différentes remises dont les usagers sont censés avoir bénéficié.

Le 14 février, le groupe Total énergie a décidé d’appliquer une remise de 10c€/L TTC sur un certain nombre de ses stations.

En Corse, toutes les stations Total en ont bénéficié.

Dans les Bouches du Rhône, sur les 36 stations Total du réseau traditionnel (hors low-cost), seules 15 stations en ont bénéficié. Parmi elles, seulement 5 commercialisent du SP95 E5.

Que conste-t-on ?

En Corse :

Sur le gazole, alors que le réseau Vito et Total affichent une moyenne régionale de prix identique, quelques jours avant la remise, le réseau Total a vu ses prix augmenter.

Sur la période du 14 février au 31 mars, le prix moyen du réseau Total est :

  • 1.65 c€/L plus élevé que celui du réseau Vito (!!)
    • Il était plus élevé de 0.5 c€/L entre le 01/01 et le 13/02/22
  • 3.62 c€ plus bas que celui du réseau ESSO
    • Il était plus bas de 1.12 c€/L entre le 01/01 et le 13/02/22

Sur le SP95, là encore, le réseau Vito et Total affichaient des prix moyens identiques jusqu’à quelques jours de la remise.

Sur la période du 14 février au 31 mars, le prix moyen du réseau Total est :

  • 1.5 c€/L plus élevé que celui du réseau Vito
    • Il était plus élevé de 0.3 c€/L entre le 01/01 et le 13/02/22
  • 2.59 c€/L plus bas que celui du réseau Esso
    • Il était plus bas de 1.22 c€/L entre le 01/01 et le 13/02/22

Le groupe Total était le seul à proposer cette remise. D’ailleurs, nous nous souvenons que des propriétaires de stations du réseau Vito avait bloqué les dépôts pétroliers pour protester contre cette remise qui devait provoquer leur perte.

Pourtant force est de constater que cette remise ne se retrouve pas dans l’écart entre les enseignes que cela soit sur le gazole ou le SP95

Dans les Bouches du Rhône :

Nous nous sommes intéressés à l’écart entre le prix des stations pratiquant la remise et le reste du réseau traditionnel (hors station low-cost et de la grande distribution)

Sur le gazole, le réseau pratiquant la remise à partir du 14 février 2022 a proposé un prix moyen inférieur de 6,72 c€/L par rapport au reste du réseau sur la période du 14 février au 31 mars.

Entre le 01/01 et le 13/02/22, il était pourtant supérieur de 1,92 c€/L.

Sur le SP95, le réseau pratiquant la remise à partir du 14 février a proposé un prix moyen inférieur de 3,58 c€/L par rapport au reste du réseau (période du 14/02 au 31/03/22).

Entre le 01/01 et le 13/02/22, il était pourtant supérieur de 7,27 c€/L.

On constate que même si on ne retrouve pas l’intégralité des 10 c€/L, les évolutions des prix montrent que les usagers l’ont retrouvé sur les prix pratiqués par les stations dans les Bouches du Rhône.

Cela n’a pas été le cas en Corse. Mais attention, ce ne sont pas forcément les stations qui ont absorbé la remise. Cela a pu être fait en amont de ces dernières.

Le 1er avril, l’Etat décide de faire une remise de 15 c€/L HTVA sur les carburants, soit 17 c€/L TTC en Corse et 18 c€/L TTC sur le continent.

Que constatons nous entre le 31 mars et le 1er avril ?

Le prix moyen du gazole baisse de :

  • 8,45 c€/L TTC en Corse
  • 11,26 c€/L TTC dans les Bouches du Rhône.

Le prix moyen du SP95 baisse de :

  • 9,96 c€/L TTC en Corse
  • 3 c€/L TTC dans les Bouches du Rhône.

Nous ne retrouvons pas l’intégralité de la réduction de l’Etat alors que pourtant elle s’inscrit dans un contexte baissier des cours du Gazole et du SP95 qui perdent respectivement, entre le 28 mars et le 12 avril 17,9% et 8,4% de leur valeur (cours Rotterdam).

En élargissant la période, entre le 28 mars et le 9 avril, nous notons que :  

  • Le prix moyen du gazole baisse de :
    • 15,85 c€/L TTC en Corse
    • 22,11 c€/L TTC dans les Bouches du Rhône
  • Le prix moyen du SP95 baisse de :
    • 14,45 c€/L TTC en Corse
    • 20,42 c€/L TTC dans les Bouches du Rhône.

La remise de l’Etat semble avoir plus d’impact dans les Bouches du Rhône qu’en Corse. Si l’on calcule la marge de distribution qui intègre tous les coûts (transport, stockage, grossiste, stations-services.) l’écart entre la Corse et les Bouches du Rhône a augmenté de 8.35 c€/L HTVA au détriment de l’île.

Il faut ajouter qu’à partir du 1er avril, le groupe Total a étendu sa remise de 10 c€/L TTC à l’ensemble de ses stations.

Dans les Bouches du Rhône, cette remise a permis au réseau Total d’afficher un prix moyen TTC inférieur de 7.1c€/L sur le gazole et 5,4 c€/L sur le SP95 sur la période du 01/04 au 26/04/22

En revanche en Corse, cela reste plus mitigé.

Sur le gazole, le prix moyen du réseau Total Corse est bien inférieur de 6,6 c€/L à celui du groupe ESSO/Ferrandi mais il est identique à celui du réseau Vito Corse (écart de 0,6 c€/L)

Sur le SP95, le prix moyen du réseau Total Corse est inférieur de 5.8 c€/L à celui du groupe Esso/Ferrandi et à peine inférieur de 1,2c€/L à celui du groupe Vito Corse.

Pour être complets, il faut ajouter que la hausse historique des cours du Baril, du gazole et du SP95 a réduit l’écart entre la Corse et les Bouches du Rhône. Mais, cela provient d’une plus forte augmentation des prix dans les Bouches du Rhône que chez nous. Les prix déjà élevés sur l’île, avant l’envolée des cours, offraient une marge de manœuvre plus réduite.

Conclusion :

Il est certain que l’intégralité des remises n’a pas bénéficié aux usagers surtout en Corse. L’absence de concurrence en amont de la distribution a permis au réseau d’en absorber une bonne partie.

Le groupe Rubis/Vito qui a dénoncé avec force la remise du groupe Total. Mais, il semble que ce dernier n’ait pas totalement joué le jeu sur l’île mais il se peut également que le groupe Rubis s’est en partie aligné dans la discrétion. Une discrétion nécessaire pour ne pas attirer l’attention sur ce que cet alignement implique sur les marges pratiquées.

Le groupe Esso/Ferrandi qui n’est pas actionnaire des dépôts pétroliers de la Corse en a fait un peu plus les frais de ces remises.

Quant à la remise de l’Etat, là encore, en Corse il est évident que les usagers n’en ont pas bénéficié dans sa totalité.

Cela démontre, si besoin en était, qu’alléger la fiscalité sans imposer une régulation des prix n’assurerait absolument pas aux usagers d’en bénéficier intégralement.

Le dernier constat, sans doute le plus inquiétant, c’est que nous devons encore jouer le rôle de contrôle des prix pour mesurer l’impact des différentes remises. Rôle que la collectivité de Corse ne se donne pas les moyens d’assurer malgré ses moyens financiers et humains.

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