Le Président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, entouré des présidents de groupes, a présenté une nouvelle initiative avec la création d’un fonds social de solidarité. Ce fonds se veut être un outil d’insertion, d’inclusion et d’innovation sociale.

Il est bien évident que les élus, qui ont la légitimité des urnes, ont le pouvoir de choisir les options qu’ils désirent. Personne ne saurait le remettre en cause.

Nous aurions pu choisir, à force d’ingéniosité et d’inventivité, de dénoncer de mille façons différentes la cherté des carburants en réclamant que les élus trouvent une solution.

Mais, nous avons choisi de nous orienter vers une autre démarche. Celle de participer à la résolution du problème. Et, en partant du principe qu’un problème sans solution est un problème mal posé, nous avons passé une partie considérable de notre temps libre à comprendre tout le système de distribution des carburants en Corse.

En gros, nous avons voulu aider, à notre niveau, les élus en charge de mettre en place une solution viable et durable, en posant le mieux possible le problème.

Et, si nous avons été écoutés (nous ne pouvons pas le contester), on ne peut pas dire que nous avons été vraiment  entendus (pour le moment).

Le rapport commandité par la région ne cherche pas à comprendre mais se contente de faire une photographie de la situation. Aucun des montants des marges de chaque maillon de la distribution n’est discuté alors que certains sont discutables surtout dans leur évolution entre 2012 (rapport Adec) et 2018 (rapport CdC).  Mais surtout, le rapport n’explique pas les évolutions de l’écart des prix avec le continent.

Et, maintenant, ce fonds de solidarité nous pose des problèmes de plusieurs natures.

Si nul ne saurait remettre en doute les valeurs positives de la solidarité, en attendre des compagnies pétrolières ne manque pas de laisser dubitatif.

Problème de fond

On le sait la Corse, c’est un taux de pauvreté qui culmine à 20%. C’est, aussi, 108 000 personnes qui vivent avec moins de 1350 euros par mois.

On l’a expliqué dans notre article https://a4c.home.blog/2019/05/19/au-nom-de-nos-jeunes-de-nos-anciens-et-des-plus-fragiles-dentre-nous/ :

32 000 ménages sont en situation de vulnérabilité pour leurs dépenses de carburant.

Dans le rural et la périphérie des grands pôles urbains, 60 % des ménages aux plus faibles revenus, 80 % des moins de 30 ans, les trois quarts des agriculteurs, employés et ouvriers, et plus de la moitié des célibataires sont en situation de vulnérabilité pour leurs déplacements.

Donc, combien de personnes ce fonds social pourra-t- il aider ?

La première des étapes aurait été de fixer un objectif de montant minimal pour qu’il ait une réelle efficacité.

Un montant qui doit être suffisamment important pour soulager socialement les ménages dont la dépense moyenne annuel en carburant est supérieure de 300 € à la moyenne nationale.  Un surcoût qui représente, en cumulé, plus de 30 millions d’euros

Et, avant même, de le constituer, il est fondamental d’expliquer le mécanisme de distribution de ce fonds.  Suivant le lieu de résidence, les catégories socioprofessionnelles, que l’on soit actif ou pas, la vulnérabilité pour les dépenses de carburant ne dépend pas forcément du niveau de revenu.

En effet, un ménage de retraités qui gagne moins qu’un ménage d’actifs peut être amené à dépenser moins en carburant car il n’a pas de déplacements travail domicile à faire.

Problème de forme

On ne se sert pas des erreurs du passé. Toute initiative qui tend à compenser un problème au lieu de le résoudre s’avère inefficace sur le long terme.

En 1989, suite aux plus grands mouvements sociaux que l’île ait connus, les fonctionnaires, qui voulaient mettre fin à la vie chère, ont fini par accepter la prime d’insularité, une compensation.

30 ans plus tard, cette prime ne les protège plus de leur vulnérabilité pour leurs dépenses de carburant !

Nous voulons des prix adaptés à la réalité économique et sociale de la Corse pas d’un geste de charité.

Nous utilisons le terme de charité car la solidarité implique un lien de dépendance entre les éléments d’un système. Or, il n’y a pas de lien entre les multinationales Rubis ou Total et la population insulaire.

Pourquoi les dirigeants de Rubis ou de Total se soucieraient ils de sortir la Corse par le haut ? En quoi sont ils concernés ?

C’est un fait, il l’affirme lui-même, le groupe Rubis est spécialisé dans l’exploitation des marchés de niche et dans la recherche de profits de plus en plus importants qui passe par la maîtrise de la distribution en amont des stations service.

Aussi , le fait d’abonder dans ce fonds social pourrait devenir pour ces sociétés une sorte de permis d’exploiter le marché de niche que constitue la Corse. Une Exploitation qui, pour les habitants rime avec spoliation.

Enfin, et surtout, sans transparence, comment s’assurer que l’argent mis dans ce fonds sera pris dans les marges de ces sociétés et pas répercutés sur le prix à la pompe.

Par tranche de 100 000 euros mis dans ce fonds social, il suffirait d’augmenter le prix du litre à la pompe de 0.03 centimes ! Allons-nous remercier ces groupes pour faire preuve de charité avec notre propre argent ?

Aucune solution viable ne pourra être apportée sans une exigence de transparence.

Une transparence qui permettra à la Corse de reprendre la maîtrise d’un domaine aussi stratégique que son approvisionnement énergétique. Stratégique pour l’épanouissement de sa population et pour son économie.